« Pour venger sa fille, sauvagement agressée alors qu’elle rentrait du collège, une mère a commis l’irréparable. L’instinct a parlé. Les voilà toutes les deux en fuite sur les routes de Corse – la mère, aux abois, la gamine, petit bout de femme trop vite grandi –, traquées par la meute. Car celui que la femme sans histoire a tué, celui qu’elle considère comme un monstre, est aussi un fils, un frère appartenant à une famille de gitans sédentarisés. Une famille avec son passé et ses drames, à laquelle on ne s’attaque pas impunément.Sous un soleil impitoyable, les lois du sang et de la vengeance imposent leur cycle sans fin. » (présentation de l’éditeur).
J’ai fait la connaissance de Marie Van Moere en lisant Petite louve. Une belle rencontre littéraire et un récit qui m’a marquée et certainement inspirée lorsque j’écrivais #Jenaipasportéplainte.
Il y a des points communs entre nos deux polars – le viol et la vengeance –, et c’est en partie pour cela que j’ai demandé à Marie de m’écrire une préface. En partie seulement, d’autres critères, plus importants ont motivé mon geste : mon admiration pour son écriture, râpeuse, directe, à fleur de peau, pour ses personnages extrêmement touchants et pour tout ce qui m’a fait vibrer au-delà de l’intrigue, par ailleurs magistralement menée.
Souvent, quand un livre me plait, je recopie à la main quelques passages qui me touchent particulièrement. Je n’obéis à aucune logique, je fais ça au feeling, par pur plaisir.
C’est toujours un peu étrange de retranscrire les phrases d’autres auteurs, de se glisser dans leur peau. On découvre une façon étonnante de s’exprimer. On aurait sans doute écrit différemment, peut-être en prenant les faits par un autre bout, peut-être en galérant pendant plusieurs jours sans y parvenir…
Petite louve n’a pas échappé à cet exercice obsessionnel. J’ai noté peu d’extraits mais qui m’ont durablement impressionnée. Le premier parle d’un cachalot, le roman commence à peine, on sait qu’on va aimer cet univers :
« Elle contourna son lit vers les bandes dessinées posées à même la moquette. Tous les classiques redressèrent la tête dans l’espérance qu’elle les feuillette à nouveau. Son prélèvement dans la rangée provoqua un atterrissage brutal de quelques Hellboy dans son Eastpack qui lui tiendrait lieu de sac à dos de voyage. Dans sa tête, un cachalot fit son apparition. (…)
Ses nerfs se tendaient. Elle ne partirait pas sans un livre de vacances avec sa mère. Mais comment savoir ? Avec ceux qu’elle n’avait pas lus, elle pourrait être déçue. Un cachalot plongea et la petite l’imagina dans les abysses. Elle retourna vers son placard et se rassit en tailleur, Moby Dick, elle serra le livre contre elle un moment. C’était celui-là qui voyagerait avec elle. »
D’autres phrases ont suivi, recopiées dans mon journal. La mère dévastée, « l’essaim de frelons qui vibre dans ses yeux ». Des phrases courtes. L’horreur, l’angoisse, la tendresse pour essayer de réparer, la pudeur pour le dire…
« La petite devait reprendre goût aux choses. Elle lui raconterait. Avec les jours et les semaines qui s’écoulaient son corps disparaissait sous les agressions.
« Comment ne pas savoir ? » se dit-elle à voix haute. Ne pas savoir la nourriture jetée ou rejetée, les seins écrasés, les menstruations fossilisées par les privations. Plus rien ne devait sortir ou entrer dans ce corps. Fluet spectre qu’elle n’osait même plus trop câliner quand la petite elle-même ne s’y opposait pas. »
Et puis, de petits îlots poétiques, des phrases plus longues, plus douces, belles.
« Se baigner, loin, dans le silence, flotter au-dessus d’une étendue d’algues, plonger en apnée et s’y blottir les yeux fermés en luttant contre la remontée, remonter, inspirer, flotter encore puis redescendre chercher une poignée de sable qui s’évanouira dans la main, émerger à la limite de la noyade, inspirer comme la première fois. Rentrer au rivage et sentir la pesanteur l’enserrer de nouveau, étourdie par cette légèreté fugace que ne connaissent ni les coureurs de fond, ni les chuteurs.»
On les savoure, on respire… mais ça ne dure pas et c’est normal. La violence répond à la violence, la mère louve repart au combat…
Je pourrais en dire plus sur ce beau polar, vous parler de ce que j’y ai retrouvé… Entre autres, cette fascination pour la Corse, la sauvagerie de l’île, « territoire intense et déchiqueté »… mais je vais vous laisser le découvrir à travers d’autres regards :
• Librairie Charybde
• Quatre Cent Quatre
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BIO
Née en 1977 à Pau, Marie Van Moere passe ses premières années à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane Française. Son enfance est marquée par de nombreux voyages qui vont grandement déterminer sa sensibilité, « quelqu’un de réceptif, d’adaptable et de lointain » comme elle se décrit elle-même. Depuis quelques années, elle vit et écrit en Corse. Petite louve son premier roman, a été finaliste pour le prix Landerneau polar 2014, pour le 13ème prix marseillais du polar 2016 et a reçu le prix Plaidoiries pour un polar 2014.
Petite louve, Manufacture de Livres, Pocket, 2015.